- 2^ème semaine

Deuxième semaine de marche

Deuxième semaine … où les courbatures disparaissent peu à peu et le corps se trouve aguerri. Tant mieux. Il reste 600 kms !

Après avoir rejoint la plaine du Pô, les pistes qui s’ouvrent devant moi sont jalonnées par de nombreuses rizières. L’eau bruisse et coule dans les canaux d’irrigation; une chaleur moite, un voile brumeux et suffocant s’étendent sur ce décor …

Insensiblement, ce décor typique d’un autre continent pour moi, me porte vers mes frères d’Asie. N’ai-je pas lu, d’ailleurs tout récemment, dans la presse italienne, l’inauguration d’un cimetière militaire national en Corée du Nord. Inauguration à l’occasion du “Jour de la victoire”, célébrant le cessez-le feu de la guerre de Corée en juillet 1953.
Jour de la victoire !? Plus de deux millions de morts civils et militaires lors de cette guerre fratricide !!!
Deux millions de morts pour retrouver le statu quo (les frontières d’avant 1950) …
Deux millions de morts sacrifiés sur l’autel de la bêtise humaine …
Deux millions de morts … et quelle liberté pour nos frères nord-coréens ?

C’est fou comme la prière ne connaît ni limite de temps, d’espace et de lieu.
Des milliers de visages inconnus (ils pourraient venir de la presqu’île coréenne, de Saigon ou de la baie du Mékong) viennent habiter ma prière …

Puis se joignent à cet immense cortège, tous ceux qui marchent : tous ceux qui se trouvent déplacés contre leur gré, qui fuient la guerre, un régime autoritaire, une situation de famine, …

Puis tous ceux qui ne marchent pas : tous nos frères et sœurs marqués par le handicap qui aimeraient tant pouvoir marcher et découvrir le monde …

Puis toutes les victimes, toutes les familles éprouvées par le drame de St Jacques de Compostelle …

Puis tous ces visages que vous m’avez confiés à travers vos intentions …

J’ai l’habitude, le soir de vivre la “prière des visages” (ceux que j’ai rencontrés dans la journée : ceux pour qui je veux rendre grâce, ceux à qui je veux demander pardon, ceux …). Cette prière des visages n’est plus ma prière du soir; elle est ma marche quotidienne.

Et moi qui disais marcher seul !