- Poursuivre la marche

La marche en montagne impose des arrêts indispensables et réparateurs. Havres de repos et de restauration auxquels tout mon être aspire, alors que s’amorce seulement cette procession de sueur, de peine et de soleil cuisant.

Et comme nombre de randonneurs certainement, aux cours de ces instants privilégiés, je me surprends à un rituel quasi-immuable :

Tout d’abord, je regarde le chemin déjà parcouru. Les nombreux lacets par lesquels je suis passé, les obstacles franchis, les passages délicats générant son lot de souffrances et de découragements, … et parfois, là-bas, tout au loin, très loin, gros comme une tête d’épingle, je devine le parking où j’ai laissé la voiture, le refuge que j’ai quitté alors qu’il faisait encore nuit ou encore le clocher de cette église au fond de la vallée.

Puis vient le temps de la restauration. Je me réhydrate, je m’alimente, je reprends des forces. C’est souvent le moment de la rencontre, du partage avec d’autres.

Et enfin, j’observe le reste de l’ascension. Mon regard se porte déjà vers le sommet qui se dessine à travers la brume matinale et que je suis bien décidé à atteindre.

Depuis mon retour de Rome, il y a trois semaines, je goûte ce temps qui s’offre à moi comme une de ces haltes bienfaisantes.


REGARDER LE CHEMIN PARCOURU : UNE FIN DE NON-RECEVOIR
Face à une impasse, des chemins autres sont toujours possibles. Proposer de travailler au dialogue entre Eglise et Franc-Maçonnerie avec des théologiens et des historiens, en cessant, pendant la durée nécessaire à ce travail, toute participation à une réflexion en loge maçonnique et en demandant la levée de ma sanction, est un des chemins possibles.

Cette proposition n’a, pour l’instant, trouvé aucun écho. Ni à Rome (pseudo-rencontre avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi / silence du Pape François), ni dans le diocèse d’Annecy (rencontre avec Mgr Boivineau il y a deux semaines).

Mes requêtes de justice et de dialogue demeurent vaines.

Requête de justice, tant la sanction qui m’est réservée me semble disproportionnée (ne plus pouvoir célébrer les sacrements et surtout ne plus pouvoir les recevoir !). Sentiment d’injustice nourri par les accusations portées contre la Franc-maçonnerie : elles ne sont plus d’actualité ; elles s’adressent à des Francs-Maçons du début du XXème siècle.

Requête de dialogue, tant celui-ci n’a pas été honoré. Je reprends conscience de la manière dont la Congrégation envisageait le dialogue : « tenter de l’amener à revenir sur ses positions » ! Pendant 2 ans, l'accompagnement, bien que fraternel, s'est borné à cette dimension. Pourtant le dialogue n'est-il pas discussion pour confronter des points de vue afin de trouver, peut-être, un terrain d'entente ? J'étais dans cette démarche, je la croyais réciproque….Répondre à une invitation au dialogue comporte le risque de devoir approfondir sa propre conviction ; toute crispation est aveu de faiblesse intérieure. S’accrocher au connu (ou malheureusement au méconnu !), comme l’écrit Rivard, c’est rester prisonnier de l’ignorance.

J’appelle de tous mes vœux ce débat théologique.


REPRENDRE DES FORCES : SE RESTAURER
Se restaurer ou plutôt … se laisser restaurer par le Christ.

Même sans l’accès à la communion -puisque j’en suis exclu- le Christ demeure ma nourriture, ma vie.

Privé de l’Eucharistie, c’est d’autres signes de Sa présence qui étanchent, aujourd’hui, ma soif.

Au soir de Son dernier repas, c’est un signe qu’il offre à ses amis : signe de Sa présence, de Son amour, du don de Sa vie. Et pourtant, il n’est pas enfermé dans l’Eucharistie. Il se donne à tous d’une manière que Lui seul connaît. Les sacrements sont des signes pour les hommes : ils leur révèlent un Amour, un Pardon, une Vie, … déjà offerts, déjà à l’œuvre avant toute action humaine.

L’Eglise -dans sa tradition catholique- se présente comme le chemin exclusif vers le Christ. Elle L’enferme dans ses dogmes. Peut-être me faut-il accepter de laisser l'Eglise qui se révèle comme une institution qui condamne, qui exclut, bien que paradoxalement elle ose louer le Christ venu abolir toutes les divisions et les exclusions. Peut-être, faut-il faire le deuil de ce visage-là de l'Eglise et recouvrer son visage évangélique lorsqu’elle écoute la vie des hommes, partage leurs espoirs et leurs angoisses, révèle ce Dieu d’amour déjà à l’œuvre dans la vie de tout homme.


REGARDER VERS LE SOMMET
Nous ne sommes pas au bout de nos efforts …

Notre marche à Rome n’est qu’une étape …

Ensemble, nous avons planté un piton, comme dans une paroi rocheuse, qui assurera la suite de notre ascension. Il demeurera un point d’ancrage pour chacun d’entre nous qui, là où il est, pourra poursuivre cette marche en Christ.

Pour ma part, ce sera dans un cadre universitaire (faculté de théologie).

Le combat pour la justice et le dialogue est engagé ; il demeure le mien, il demeure le nôtre. Notre Eglise, nos frères et sœurs nous attendent.

« Si tes projets portent à un an, plante du riz ; à vingt ans, plante un arbre ; à plus d’un siècle, développe les hommes ! » (proverbe chinois)

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Mise a jour le 27.06.2024