- Eglise et le Font National

Quelques-unes de vos réactions au texte que j’ai publié dernièrement (cf. ci-dessous) m’invitent à trois éclaircissements :

1. Je n’ai aucunement critiqué Marion Maréchal - Le Pen. Comme tous les hommes ou femmes politiques élus, elle trouve sa légitimité dans les urnes.
2. Je n’ai aucunement critiqué ou stigmatisé les électeurs du Front National. Je suis trop respectueux de la liberté de conscience et des valeurs portées par la démocratie pour dénigrer ou critiquer le choix électoral de tout citoyen.
3. Ma critique s’adressait aux organisateurs de cette manifestation et au diocèse de Toulon. Elle soulignait un manque de discernement, une ambiguïté et une hypocrisie :
- un manque d’équité et de discernement : comment, en période électorale, n’inviter qu’une seule personne politique « tête de liste » ?
- une ambiguïté : ce mélange des genres avec des partis, et plus encore des idées, extrémistes est toujours délicat.
- une hypocrisie : ce désir de rencontre, mis en exergue lors de cette manifestation, contredit tous les refus de dialogue authentique que l’Eglise refuse aujourd’hui encore.


En aucun cas, des personnes étaient l’objet de mon indignation, mais plutôt des idées !
J’aspire à un dialogue et à une rencontre authentiques, nécessitant une exigence de courage, de vérité et de cohérence.

- Certains de ceux qui m’ont reproché la teneur de mon article se cache derrière un « et pourtant je n’ai rien à voir avec le Front national ! »
Pourquoi ne pas assumer sa sympathie pour les idées véhiculées par ce parti ? Pourquoi ce manque de courage ?
La manière inhumaine dont sont traités nos frères et sœurs en exode (Syriens, Irakiens, Afghans, Erythréens, …) dans les différents pays de la communauté européenne soulignent combien ces idées se sont installées profondément dans les esprits : ils sont de plus en plus nombreux ceux qui adoptent et revendiquent ces réflexes de repli sur soi, de préférence nationale et de xénophobie. Alors qu’ils aient le courage d’afficher leurs idées !

- Il me semble légitime aussi de dénoncer le côté anti-évangélique du message du Front National et d’appeler à la cohérence.
Je n’entends pas ici critiquer les personnes adhérentes à ces idées. Trop attaché à la liberté de pensée, je les invite cependant à assumer ce choix : on ne peut se réclamer des valeurs évangéliques, d’une vie en Christ et embrasser les idées du Front National !
Pourquoi entendre le Pape François lorsqu’il parle de la famille, des questions autour du début et de la fin de vie, … et rester sourd à ses appels lorsqu’il évoque la question de ces personnes en exil ?
Le même jour, le 6 septembre dernier, deux manières de penser se confrontent : « Il faut ramener les migrants dans leur pays, quitte à organiser des zones humanitaires » (Marine Le Pen). « Face à la tragédie des dizaines de milliers de demandeurs d’asile qui fuient la mort, victimes de la guerre et de la faim et qui sont en chemin vers une espérance de vie, l’Evangile nous appelle et nous demande d’être “les prochains” des plus petits et des plus abandonnés, à leur donner une espérance concrète » (Pape François). Et quelques jours plus tard, faisant un triste écho à l’appel du Pape invitant toutes les paroisses d’Europe à accueillir des migrants, Marine Le Pen comparera l’arrivée de ces réfugiés aux « invasions barbares du IVème siècle » !


« Si quelqu’un dit : j’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur » ! (1ère épitre de Jean, 4,20)
L’Evangile nous invite à des choix !










"Marion Maréchal Le Pen invitée à l'université d'été catholique de la Ste Baume"



UNE MALADRESSE
Une lecture "soft" de cet événement pourrait nous inviter à ne voir qu'une maladresse.
Permettez-moi d’en douter …
Inviter sur le territoire-même où elle est candidate, à l'aube d'une élection, la tête de liste du Front National révèle soit un manque évident de discernement, soit une volonté délibérée de mettre en avant un parti politique.
Marion Maréchal Le Pen n'était pas candidate au moment de la programmation et de l'invitation ?
- Les organisateurs ont tout loisir, au nom de la neutralité inhérente à une telle période de campagne électorale, de changer leur programmation ou d'inviter les autres têtes de listes candidates pour cette région PACA.

Il m'est difficile de donner mon adhésion à une telle lecture.



UN GLISSEMENT : L'ÉVANGILE CONFISQUÉ !
1. Même si le Front National est un parti politique qui trouve sa légitimité dans les urnes, même si Marion Maréchal Le Pen est une personne politique aussi honorable que d'autres hommes et femmes politiques, les idées qu'elle défend, au sein de ce parti, sont incompatibles avec l'Evangile.
Seuls les mouvements radicaux, traditionalistes et intégristes de l'Eglise trouvent honorés, dans le discours de cette dernière, un grand nombre de leur idéaux. Donner la parole, lors d'une telle manifestation organisée par un diocèse, à un responsable de ce parti, peut instiller dans les esprits des fidèles catholiques que le Front National défend les valeurs chrétiennes ! Il n'y a pas en France -et c'est une chance !- de parti politique chrétien. Il y a, par contre, une manière chrétienne de "faire" la politique.
2. Il n'est pas inhabituel, au sein même de l'Eglise, de flatter les courants les plus extrémistes.
Un évêque français, la veille des manifestations "anti-mariage pour tous" avait osé une parole évangélique : Alors que certains responsables de l'Eglise de France comparaient l'union homosexuelle à des relations incestueuses ou zoophiliques, cet Evêque, dans une dynamique toute empreinte de l'esprit conciliaire, invitait ses prêtres à faire appel à la conscience des fidèles ("vous n'avez pas à inviter à telle ou telle manifestation ... mais faites appel à la conscience des chrétiens ..."). Un hic malgré tout ! A la fin de cette lettre, il y joignait un post-scriptum invitant ses prêtres à ne pas divulguer ce courrier. La peur ? Le manque de courage ? Peut-être. Mais surtout la volonté de ne pas blesser les fidèles les plus traditionalistes de son diocèse, la volonté de ne pas avoir à justifier, face à ces mêmes fidèles, sa position évangélique et pleine d'ouverture, de compréhension et de tolérance. Cette peur, cette tiédeur et ce manque de courage des Évêques contredisent même l'évangile dont ils devraient être les défenseurs.

Il m'est insupportable que les courants les plus intégristes de l'Eglise Catholique confisquent l'Evangile et nient sa dimension essentielle (c'est à dire inhérente à son essence même) dimension d'amour, de respect et d'ouverture.



UNE HYPOCRISIE
"Un certain nombre de catholiques votent FN, c'est une réalité. Ces gens peuvent se sentir marginalisés. Notre objectif est de créer un dialogue de raison et une réflexion avec eux." (Mgr Rey Évêque de Fréjus-Toulon)
Les organisateurs de cette rencontre à la Ste Baume, pour justifier l'invitation de Marion Maréchal Le Pen, invoque l'exhortation même du Pape François ! Belle référence !
Ce désir de dialogue est louable. L'Eglise catholique, comme toutes les institutions religieuses quelles qu'elles soient (CRIFJ, CFCM, ...) peut convoquer les responsables politiques; la laïcité et une neutralité saine et respectueuse le permettant et les préservant de tout parti-pris.
L'Eglise catholique est engagée dans de nombreux dialogues et rencontres.
L'Eglise catholique, à l'invitation du Pape François, essaie de rejoindre les périphéries.
Pourvu que ce ne soit pas un leurre ou une façade !
Depuis mai 2013 (et même avant) j'appelle de tous mes vœux le dialogue entre la Franc-Maçonnerie et l'Eglise : Dialogue permettant à cette dernière d'entendre les nombreux Francs-Maçons chrétiens. En vain ! Pourquoi l'Eglise refuse-t-elle ce dialogue ?
Apparemment il est plus facile d'entrer en dialogue avec des élus mettant en avant la préférence nationale, le rétablissement de la peine de mort, l'exclusion de l'étranger, ... qu'avec des hommes et des femmes qui œuvrent pour le respect de la dignité humaine, de la tolérance et de la concorde universelle !

Comment pouvoir encore proclamer : "Je crois en l'Eglise, une, sainte, catholique, apostolique, ..." ?
De cette église-là, je suis athée.

Août 2015