-Dialogue interreligieux : une Eglise qui marche à l'envers !

DES BREBIS PERDUES PAR FAUTE DE BERGER ... PAR LA FAUTE DES BERGERS !


En ce temps-là, Jésus déclara :
« Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père.
Le Père et moi, nous sommes un. »
Evangile de Jean (10, 27-30)


Voyant la foule, il fut ému de compassion pour elle, parce qu’elle était languissante et abattue, comme des brebis qui n’ont point de berger. Evangile de Matthieu (9, 36)


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En contradiction totale avec les paroles d’ouverture du pape François, l'Eglise catholique semble marcher à l'envers.
Les brebis, pour reprendre l'image johannique, semblent perdues ... perdues par faute de pasteur ... perdues par la faute des pasteurs.
Cette impression est corroborée par trois attitudes, voire postures, de pasteurs (le Cardinal Gerhard MÜLLER, préfet pour la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans des extraits de son « Rapport sur l’espérance » -La Croix du 04.04.2016- le Père Alain CURRAL, prêtre coopérateur à Thonon les Bains, dans des extraits de « Rendre témoignage à la vérité » -site internet de la paroisse St François en Chablais-) trahissant l'esprit de Vatican II : un repli identitaire ; un rapport à l’Histoire erroné ; le refus d’un dialogue authentique.




1 UN REPLI IDENTITAIRE

Depuis quelques années, ce repli est significatif. La prière pour la France remise à l’honneur le 15 août 2012 par le cardinal André Vingt-Trois, les différentes prises de position à l’occasion de la loi sur l’union homosexuelle, l’invitation aux manifestations « anti mariage pour tous » aux côtés des courants les plus extrémistes de l’Eglise catholique sont éloquents.

« Confions au Seigneur par l’intercession de la Vierge Marie, patronne de la France, notre nation frappée par la barbarie. » (A. Curral)
Quelles valeurs de la République et de la laïcité peuvent inspirer de tels propos ? Je ne savais pas que la Vierge Marie était coiffée d’un bonnet phrygien !

"Tout cela nous a conduits à déserter l’évangélisation par souci de « tolérance » mais tout homme, quelles que soient ses origines, sa confession ou sa culture, mérite de connaître le Christ." (A. Curral)
Merci d’avoir mis "tolérance" entre guillemets !
Évangélisation et intolérance iraient de pair ?!
N'oublions pas, qu’au nom de cette évangélisation, l’Eglise catholique a fait preuve, à une certaine époque, de barbarie, elle aussi. En 1233 le Pape Grégoire IX a donné au tribunal de l’Inquisition le soin de démasquer et de condamner, dans tout le royaume de France, les hérétiques et les catholiques non sincères, au prix de nombreuses vies.
Il s’agit du passé ; nous sommes aujourd’hui en 2016 !
Tout homme, quelles que soient ses origines, sa confession ou sa culture, mérite le respect.

"Sans excuser ces actes abominables, nous pouvons peut-être les chercher du côté de notre Occident, adorant le bien-être matériel, méprisant la vie et rejetant ses propres racines chrétiennes." (A. Curral)
N’est-ce pas réducteur de ne percevoir en l’autre que ses limites, ses manquements ? J'exècre ce manque de lucidité qui juge l'autre en lui collant des étiquettes. N’est-ce pas le regard bienveillant sur l’autre qui l'amènera à grandir ? Je partage ici un extrait de ma lecture, "Le nom de Dieu est miséricorde" du Pape François : «Celui qui est habitué à juger les autres parce qu’il se croit irréprochable, celui qui se considère comme juste, bon et honnête, n’éprouve pas le besoin d’être embrassé et pardonné. En revanche, il y a ceux qui ressentent ce besoin mais qui se croient perdus, à cause de tout le mal qu’ils ont commis.» (p.10) « Le visage d’une Eglise qui ne reproche pas aux hommes leurs fragilités et leurs blessures, mais qui les soigne, grâce à la miséricorde. » (p.11-12) « Et nous avons parfois affaire à un cléricalisme réactionnaire, occupé à tracer des frontières, à « réglementer » la vie des personnes, en leur imposant des exigences et des interdis qui rendent leur quotidien plus pesant. Une attitude toujours plus prompte à la condamnation, et beaucoup moins à l’accueil. Une ten-dance constante à juger, mais non à se pencher, avec compassion, sur les misères de l’humanité. » (p12)

Peut-être nous faut-il, comme préalable à toute prise de parole ou tout jugement, méditer cette invitation :
« MALGRE SES LIMITES, LE MONDE EST L'OBJET DE L'AMOUR DE DIEU. IL MERITE DONC LE NÔTRE. »




2 UN RAPPORT À L’HISTOIRE ERRONÉ

« Nous, les catholiques, n’avons aucune raison de célébrer le 31 octobre 1517, la date qui marque le début de la Réforme et qui mena à la rupture du christianisme occidental. (…)
Si nous sommes convaincus que la révélation divine est restée inchangée et préservée à travers les Écritures et la Tradition, dans la doctrine de la foi, dans les sacrements, dans la constitution hiérarchique de l’Église, fondée sur le sacrement de l’ordination sacerdotale, nous ne pouvons accepter qu’il existe des raisons suffisantes pour se séparer de l’Église. »
(Card. Müller)
Porter un tel regard sur ces commémorations à venir révèle une méconnaissance totale du sens de l'Histoire et constitue une insulte à nos frères et sœurs issus de la Réforme. Assumer son histoire exigerait un travail de connaissance et de reconnaissance. Comment prétendre que les autres chrétiens (non-catholiques !) sont dans l'erreur ? Comme s'il y avait les bons et les mauvais ? Devinez qui sont les mauvais ! Qui sommes-nous pour juger ? Ces jugements partiaux nient le devoir de mémoire indispensable à toute relecture historique et "enterrent" toute dynamique œcuménique. Les séparations historiques, politiques ou théologiques (Grand schisme de 1054, début de la Réforme en 1517, …) demeurent des déchirures pour l’ensemble des Chrétiens et constituent des socles sur lesquels se sont construites les différentes traditions chrétiennes. La peur de la « protestantisation » semble habiter la réflexion du Cardinal Müller et le paralyser dans ses prises de position. Puisse l’Eglise catholique, à l’invitation du Pape François, accepter les réformes nécessaires qui s’imposent à elle comme elles s’imposaient à l’époque de Luther !

« Sans excuser ces actes abominables, nous pouvons peut-être les chercher du côté de notre Occident, adorant le bien-être matériel, méprisant la vie et rejetant ses propres racines chrétiennes." (A. Curral)
Comment demander à nos sociétés occidentales de ne pas rejeter ses racines chrétiennes d’une part, et d’autre part refuser de célébrer l’anniversaire de la Réforme?
Nos pasteurs ne sont-ils pas à une incohérence près !

CETTE RELECTURE HISTORIQUE ERRONEE EMPÊCHE DONC TOUT DIALOGUE OECUMENIQUE OU INTERRELIGIEUX AUTHENTIQUE.




3 LE REFUS DE DIALOGUE

« Redisons que seul le Christianisme affirme que Dieu est Amour.
Cessons de le dé- figurer en laissant croire que toutes les religions se valent. »
(A. Curral)
Etablir le christianisme comme seule religion prônant l’Amour ou comme seule école de l’Amour révèle une propension maladive à s’ériger en juge et une méconnaissance totale des autres traditions religieuses, spirituelles ou ésotériques.
Cette attitude réduit à néant toute démarche œcuménique et tout dialogue interreligieux.
Elle conduit à trois impasses :

1. Affirmer être le seul à détenir la vérité rend impossible tout dialogue authentique. Ce dernier exige le respect de l’autre dans sa recherche de vérité et invite à porter un regard bienveillant sur les autres religions. Je préfère entrer en dialogue en présupposant que toutes les religions se valent que de jeter l’anathème. Cette bienveillance n'empêche pas la clairvoyance et le courage de dénoncer les courants anti-évangéliques qui dénaturent toute démarche religieuse. J'ose clamer haut et fort que tout mouvement religieux qui ne respecte pas les femmes, qui appelle à la violence, qui contraint les consciences, ... ne vaut pas les valeurs humanistes présentes dans l’Evangile. Certains courants de l'Eglise catholique, d’ailleurs, ne sont pas en dehors de cette critique.

2. Une telle attitude semble faire l'impasse sur la réflexion théologique entreprise, dès ses origines, par l’Eglise et poursuivie par de nombreux théologiens soucieux de ce regard chrétien porté sur les autres religions (« les semences du Verbe » selon Justin de Naplouse ; les « chrétiens anonymes » selon Karl Rahner ; « Les autres traditions religieuses porteuses de salut » selon Jacques Dupuis ; … pour n’en citer que trois !)

3. Faire du Christ la propriété de l’Eglise ou des Chrétiens est la preuve d’une méconnaissance des Ecritures et du message du Christ. Combien de fois les évangélistes nous présentent-ils le Christ en dehors de toute institution et donnant en exemple des hommes et des femmes, sans religion avérée, qui savaient l’accueillir (la Syro-phénicienne, Naaman le syrien, …) ? Même si je fais mienne cette affirmation de foi "Christ est l'unique sauveur"; je sais qu'Il n'est pas enfermé dans l'Eglise et que son action salvatrice n'est pas contrainte par les limites que mon esprit étroit aimerait lui imposer. Il offre son Amour de manière inconditionnelle, d'une manière que Lui seul connaît. Le Concile Vatican II nous le rappelle dans la Constitution "Gaudium et Spes", chapitre 23, alinéa 5 : "Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce (…) nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal". Le même Concile, dans le chapitre 2 de la Déclaration "Nostra Aetate", nous exhorte à reconnaître les valeurs spirituelles des autres religions : « L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes (…) Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec les adeptes d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent en eux. »

«NOS DIFFERENCES LOIN DE NOUS LESER NOUS ENRICHISSENT.» (A. de St Exupéry)

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Mise a jour le 27.06.2024