La campagne électorale invite à sa table un invité de marque : Dieu !
Certains prétendent, pour L’avoir rencontré, qu’Il existe ; d’autres ont annoncé sa mort ...
En tous les cas, son invitation dans la vie politique, comme le montrent certains exemples historiques, est souvent alibi ou justification pour exercer ou prendre le pouvoir.
UNE TERRE PROMISE ... PAS POUR TOUS !
Depuis 1948 et la création de l’état d’Israël, des hommes, des femmes et des enfants meurent dans le conflit israélo-palestinien. Plus de 50.000 vies humaines sacrifiées sur l’autel de notre hypocrisie. Pour nous faire pardonner notre silence complice devant la Shoah, nous avons donné une terre au peuple juif, générant l’expulsion de nombreux Palestiniens spoliés de leurs habitations. Notre compromission avec le régime du IIIème Reich est responsable, aujourd’hui encore, de nombreux morts.
Aucune terre ne peut être objet de marchandage !
Aucune terre ne peut être la propriété de certains.
Au cours de mes études sur l’œcuménisme et la théologie orthodoxe, dans un institut russe, de nombreux voyages m’ont conduit, entre autres, en Roumanie et en Russie.
Après la chute du mur et de l'effondrement du bloc soviétique, synonyme de liberté religieuse retrouvée, de nombreux mouvements catholiques et issus de la Réforme sont partis sur ces « terres de mission ». Il était alors fréquent d’entendre de la bouche des autorités religieuses orthodoxes : « Cette terre est orthodoxe ! Rentrez chez vous ! » Même si certains mouvements néo-protestants ont fait preuve de grandes maladresses (j’ai vu certains d’entre eux offrir des bibles à des enfants orphelins dépourvus du strict nécessaire : nourriture, soins, affection, …), cette interpellation est inaudible. Elle révèle la volonté de pouvoir exercée par la religion sur un peuple donné.
Aucune terre n’est orthodoxe, catholique, musulmane, hindoue, …
Aucun peuple n’est chrétien, musulman, …
Depuis ma plus tendre enfance et mes premières années à l’école élémentaire, j’ai toujours été fier de la France : une terre d’accueil, une terre d’asile, … la terre des Droits de l’Homme.
Mais ça c’était avant !!!
Un angélisme refusant de condamner des intégrismes et des communautarismes qui devraient être interdits en République, de nombreuses politiques d’intégration inefficaces, une laïcité trop souvent bafouée, … sont passés par là.
Aujourd’hui on veut nous faire croire à une Europe occidentale, chrétienne et blanche ; on nous monte les uns contre les autres ; on stigmatise l’autre différent ; on veut rendre l’autre responsable de tous nos maux (propos déjà entendus dans notre Histoire pas si lointaine !) ; …
Aucune terre ne peut être refusée à quelqu’un en raison de sa culture, de sa religion, de sa provenance.
UN CIEL VERS LEQUEL ON SE TOURNE ... COMME JUSTIFICATION OU MIRAGE.
Le recours à Dieu est très souvent lâche : il dessert autant l’Être vénéré que le soi-disant croyant. Il est souvent une justification à nos luttes assassines. Cette caution religieuse camoufle consciemment des intérêts économiques, politiques ou électoralistes.
Les caricatures des colons juifs orthodoxes désireux de retrouver la "terre promise" par Dieu dans les Écritures et des terroristes palestiniens se faisant exploser sur des marchés de Jérusalem dissimulent une lecture économique de ce conflit.
Les gisements gaziers au large des côtes de Gaza ne justifieraient-ils pas, à eux seuls, une telle violence ? Des intérêts moindres ont généré, ailleurs, de telles atrocités.
Le Dieu des Juifs et celui des Musulmans (s'ils sont différents !) sont instrumentalisés politiquement et économiquement.
Palestiniens et Israéliens aspirent à la paix. Seules certaines minorités la refusent.
L'Islam fondamentaliste et ses défenseurs, sont obsédés par l'idée inconcevable de
territoires palestiniens pacifiés. Il considèrent l’Islam modéré vécu en territoires palestiniens (j'ai croisé, à Bethléem, de jeunes filles non voilées conduisant des voitures !) comme un risque. Risque de contaminer leur Islam intégriste et, par là-même, de remettre en cause leur lecture fondamentaliste de l'Ecriture ? Pour cette raison, ils n'offrent à leurs frères et sœurs musulmans de Palestine que terrorisme et guerre sainte.
Le judaïsme orthodoxe impose, par une lecture fondamentaliste, son hégémonie sur cette terre dite « sainte ». Dieu, d’après l’Ecriture, promet à Abraham une terre qui s’étend « depuis le fleuve d’Egypte jusqu’au grand fleuve, le fleuve d’Euphrate » (Livre de la Genèse 15,18), ce qui inclut l’Egypte et la Mésopotamie. Plus loin, dans l’Ecriture, ces limites seront différentes (Livre de la Genèse 17,8 et Livre des Nombres 34,1-15) pour finalement délimiter un pays encore plus étendu (Livre de Josué 1,3-4). Ces contradictions rappellent que le texte biblique a une visée symbolique et eschatologique : toute la surface de la Terre a vocation à devenir « Terre promise ». Cette vision symbolique impose au Judaïsme et au Christianisme, son héritier, le devoir d’offrir à toute l’humanité l’hospitalité.
Le Dieu des Juifs, celui des Musulmans et celui des Chrétiens (s’ils sont différents !) sont otages de cette lecture fondamentaliste faisant fi de toute lecture historico-critique. Aucune terre n’est sainte ! Aucune guerre n’est sainte !
Le recours à la notion de culture judéo-chrétienne ou d'identité nationale chrétienne de la part de certains candidats à la présidentielle en France n’a pour seul but de séduire l'électorat catholique. Il est objectivement un leurre et une manipulation.
Leurre, parce qu'il oublie Vercingétorix –si cher à certains !- et tous les autres apports dont notre société s’est enrichie. Il fait référence à une culture et à une identité fermées, indignes de notre histoire et de nos idéaux.
Manipulation, parce que leurs références chrétiennes sont contraires aux valeurs évangéliques. Comme certains préfèrent la loi et le programme face à la morale et à l'éthique, d'autres (peut-être les mêmes !) préfèrent l'ordre à l'Evangile, l'exclusion à l'accueil, la stigmatisation à l'amour du prochain !
L'épiscopat français n'est pas en reste non plus : aucune mention du Front National dans les discours pastoraux d'avant-élection, alors que le projet de société de ce dernier est anti-évangélique. Comment se priver de 50% de ses pratiquants qui votent Marine Le Pen ???
La foi chrétienne est prise en otage par ces intérêts électoralistes ; l’Evangile est dénaturé par cette vision xénophobe.
Dieu ne peut être otage d’aucun parti politique. Il n’y a pas de parti politique chrétien en France ; il y a une manière évangélique de « faire » de la politique !
« VA VERS TOI-MÊME ! »
Prévert avait raison : « Notre Père qui êtes aux cieux ... restez-y ! »
Comme ça doit être dur d’être vénéré par des c... !
Face aux rêveurs qui croient au ciel comme on attend une récompense, face aux pragmatiques qui nient toute démarche spirituelle, il peut être bénéfique de ré-entendre cette invitation du Livre de la Genèse « Va vers toi-même ! » qu’entendit Abraham et qui le fit se mettre en marche.
Aller vers soi, s’aventurer dans les profondeurs de son moi est un chemin, un itinéraire qui mène au-delà de soi pour aller vers les autres, vers le monde. Oui, va vers toi-même, tu découvriras la seule « terre sainte » qui vaille, le seul ciel qui existe : le temple secret de ton cœur.
Le dramaturge norvégien Henrik Ibsen, que j’affectionne particulièrement, l’a merveilleusement expérimenté et traduit à sa manière, en filant la métaphore du mineur de fond :
« Paroi de la montagne, éclatée dans le bruit et le fracas de pesants coups de marteau !
Je dois faire mon chemin en-bas jusqu’à ce que j’entende le son du minerai.
Au fond, dans le domaine désolé de la nuit, le riche trésor m’appelle, Diamants et pierres précieuses …
Fraie mon chemin, lourd marteau, jusqu’à la chambre cachée du cœur !
…
M’étais-je trompé ? Ce chemin ne menait-il pas vers la clarté ?
… Non, je dois descendre au fond ; c’est là qu’est l’éternité.
Fraie mon chemin, lourd marteau, jusqu’à la chambre cachée du cœur ! »
Mise a jour le 27.06.2024