Je pensai que Sienne m'accueillerait en fin de quatrième semaine.
Impossible !
Les grosses chaleurs sont toujours présentes, ma moyenne horaire est descendue en-dessous des 5 km/h, mes étapes se font plus courtes : usure, fatigue, ...
Elle s'est donc terminée samedi midi à San Gemignano, village médiéval avec ses hordes de touristes et de marchands du temple. Une fois atterri ou plutôt "aluni", tant je redécouvrais un monde qui m'était devenu étranger, sur la place centrale de ce village fortifié, je suis reparti 2 kilomètres plus loin chercher un camping. Pas envie de voir du monde ... Pas envie de jouer le touriste ... Serais-je devenu un sauvage ?
À suivre ...
Lettre à mon ami, mon confident.
"Depuis le jour du départ, je ne te vois plus, et pourtant tu es constamment là. Tellement l'impression de faire corps avec toi.
Tu es mon confident ...
Parfois même, certains jours, le seul à qui je parle. Chaque matin, après la prière de l'aube, une parole d'encouragement "Allez, c'est parti !"
Et puis le silence ... la marche ...
Silence interrompu par le chuchotement du vent dans les haies de cyprès, les champs d'oliviers ou les vignes qui décorent cette campagne toscane.
Silence interrompu par la course d'un lézard se cachant sous les quelques herbes ou feuilles sèches dans les bas-côtés du chemin.
Silence interrompu par les "Buon giorno", "Buon cammino" échangés avec les quelques pèlerins rencontrés.
Et puis à nouveau le silence ...
Tu es mon confident...
Même lorsque je me "pause" sur un banc, dans un jardin public, attendant l'ouverture de "l'accueil du pèlerin", tu ne me quittes pas; tu veilles sur mon repos.
Tu es mon confident ...
Tu partages toutes mes prières : tous ces visages, toutes ces intentions que nous portons ensemble ... Un "Notre Père", un "Je vous salue Marie" repris à l'unisson.
Tu es mon confident ...
Tu partages mes cris de ras-le-bol, mes découragements, mes colères, mes souffrances, mes pleurs parfois ...
Et quand j'ai envie de libérer mes épaules de tes bretelles, tu me dis : "Non, Pascal, continue !" ... et à partir de cet instant c'est toi qui me portes ...
Tu es mon confident, toi, ... mon sac à dos"
Mon sac comme seule fortune ...
Sur ce chemin, mon sac constitue ma seule fortune. Jamais je n'ai pris soin de lui de cette manière : je le pose avec délicatesse, je vérifie les différentes bretelles, attaches, lanières, je lui parle ...
Je ne peux m'empêcher de penser à cette famille macédonienne accueillie, il y a quelques années, une dizaine de jours au presbytère d'Annemasse. Je me revois les accompagner à la gare. Ayant déposé une première demande d'asile en Allemagne, il leur était impossible de déposer une autre demande dans un autre pays de l'espace Schengen. Seules les autorités compétentes d'outre-Rhin pouvaient gérer leur dossier. Je leur avais donc trouvé une ligne de bus jusqu'à Düsseldorf. À la gare, les parents, leurs deux enfants et trois sacs de sport ! Trois sacs comme seule fortune. Trois sacs mémoire du passé (maison spoliée et brûlée, vie mise en péril, ...), trois sacs pour vivre la souffrance présente, trois sacs pour construire un avenir.
Seigneur, veille sur tous ceux qui ont tout perdu et qui doivent repartir de zéro.
"Si mon père et ma mère m'abandonnent, le Seigneur m'accueillera" (Psaume 27,10)
Mon sac comme mon cœur, comme une histoire d'amour ...
L'image de la marche n'est-elle pas celle qui définit le mieux la vie conjugale ? Marcher côte à côte, chacun avec son sac à dos sans savoir ce que l'autre a dans son sac. Toute la vie pour découvrir ... et aimer ... le contenu du sac à dos de l'autre. Quelle aventure !
Cette dernière n'est pas réservée aux seuls couples. Elle est un chemin individuel.
D'abord s'arrêter à l'extérieur (ce qui est visible) de son sac.
Puis accepter, parfois contraint et forcé, de distinguer l'indispensable, l'utile et le superflu. Accepter d'alléger son sac pour mieux repartir, accepter de se libérer de soi-même pour donner la place à l'autre, à l'Autre.
Puis finalement, entendre l'Autre me révéler à moi-même : "Non, Pascal, continue !" Et si cette petite voix était celle de Dieu ? ...
"La vision ne deviendra claire que lorsque tu regarderas dans ton cœur ... Celui qui regarde l'extérieur rêve. Celui qui regarde l'intérieur s'éveille ..." (Jung)
Mon sac comme un lien vivant ...
Mon sac me relie à chacun d'entre vous. Vous le remplissez sans l'alourdir (paradoxal, non ?) de toutes vos pensées, de toutes vos prières, de toutes vos signes de soutien.
Mon sac est porteur de toutes ces valeurs que nous voulons défendre.
MERCI A TOUS DE VOTRE SOUTIEN !
Mise a jour le 27.06.2024