Le 4ème dimanche de Pâques est traditionnellement appelé le « Dimanche du Bon Pasteur ».
La liturgie nous invite à méditer le chapitre 10 de l’Evangile de Jean :
« Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. » (Jn 10, 11)
- Cette figure semble parfois galvaudée, par l’Eglise elle-même. Déjà, les évangélistes le découvraient dans les premières communautés qu’ils fréquentaient :
« Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6, 34)
Des brebis perdues par faute de berger …
Des brebis perdues par la faute des bergers …
- L’Eglise a toujours envisagé cette figure du pasteur comme celui qui est en tête du troupeau, dont les brebis sont appelées à le suivre de manière inconditionnelle.
Quelle traduction ! Quelle trahison !
Et malheureusement cette lecture est encore d’actualité. J’en veux pour preuve l’interview du Père Emmanuel Blanc, vicaire général du diocèse d’Annecy, dans le Dauphiné Libéré du 29.09.2017. A la question du journaliste : « Quelles orientations comptez-vous donner à votre mission ? », il ose répondre : « Personnellement aucune puisque je suis les orientations données par Monseigneur Boivineau. Je suis à son service. Mais il est de mon rôle de réunir toutes les conditions pour que ses décisions puissent être appliquées. Je l’assiste tout en étant une sorte de liant entre les gens, les territoires, les projets. »
Heureusement qu’il n’est pas curé ! Ses paroissiens seraient réduits à l’état de moutons ! appliquant les décisions cléricales.
« S’il est une chose que nos contemporains supportent mal, pour reprendre les paroles du jésuite Michel Rondet, c’est la prétention de l’Eglise de détenir la Vérité ultime sur l’homme et sur Dieu. Dans un monde marqué par la conscience de la relativité de toutes choses, une telle assurance est suspecte. Si nos contemporains admettent bien que la recherche de la vérité est un devoir en tous les domaines, ils pensent qu’aucune personne, aucune institution humaine ne peut prétendre la posséder en plénitude. Aussi n’attendent-ils pas que l’Eglise leur dise d’en haut ce qu’il faut croire ou faire, mais ils accepteraient que, cheminant avec eux, l’Eglise cherche avec eux les chemins d’un véritable humanisme. Or, trop souvent, l’Eglise est préoccupée d’apporter des réponses là où on lui demande des chemins. »
L’Eglise devrait être comme les troupeaux en montagne dont le berger marche toujours en queue. Il laisse aux brebis l’intuition intelligente de trouver les bons pâturages.
Et lui se situe derrière pour ramasser les petits, les faibles, ceux qui suivent à un autre rythme.
Voilà la place de l’Eglise, la place des pasteurs, des serviteurs.
La crosse épiscopale n’est-elle pas le symbole de la houlette : ce bâton pastoral avec lequel le berger peut relever les agneaux fatigués ou les récupérer, sans les effrayer, au bord du précipice ?
Mais l’Eglise a peur : Comment laisser aux brebis l’intuition des bons pâturages ?
Les brebis seraient-elles dépourvues de bon sens ? Le pasteur doit-il être un gourou, ne laissant aucune liberté à ses brebis ?
Mon ami berger, Aimé, aujourd’hui décédé, m’avait expliqué comment il laissait la liberté à ses brebis et comment il exerçait son rôle de pasteur.
Dans son troupeau d’une cinquantaine de brebis, il en repère une ou deux (celles qui viennent quand il les appelle, celles qui ne sortent pas du parc). Au cou de ces dernières, il accroche une clochette, les instituant « meneuses » du troupeau. Elles permettent à l’ensemble du troupeau de vivre en harmonie, découvrant les meilleurs pâturages et répondant à l’appel du berger. Si l’une de ces « brebis-meneuses » venait à ne plus être au service du troupeau, sa clochette lui serait retirée.
Quelle belle parabole !
Depuis de nombreuses années, l’Eglise offre des formations conséquentes à ses enfants. Pourquoi si peu d’entre eux sont-ils éloignés des lieux et des instances de décision ? Pourquoi le prêtre confisque-t-il encore tous les pouvoirs ? Pourquoi cette peur ?
Le sens de l’Eglise, le recul nécessaire à toute prise de décision, la dimension théologique des pasteurs ne sont pas innés ou liés à l’imposition des mains dont le futur prêtre a été le dépositaire : ils sont les fruits de leur formation.
Des laïcs formés ont pu acquérir ce sens de l’Eglise et cette dimension théologique. Pourquoi ne sont-ils pas considérés et accueillis comme des « brebis à clochettes » capables de trouver les bons pâturages ? Pourquoi encore cette peur ?
C’est à l’idée même de détenir la vérité que doivent renoncer les pasteurs !
Mise a jour le 27.06.2024