- Ma princesse … deviendra Princesse !

Le pape nomme une commission sur les femmes diacres

Moins de deux mois après l'annonce du pape, le Vatican a créé hier une commission d'étude pour examiner le rôle des femmes diacres au début du christianisme.
La rapidité de cette décision manifeste la volonté du pape François de réfléchir à une place plus grande des femmes dans l'Eglise.
Le pape n'aura pas perdu de temps. Moins de deux mois après avoir annoncé devant plusieurs centaines de religieuses son intention de créer une commission chargée de clarifier la question du diaconat des femmes (La Croix du 17 mai), le Vatican a publié hier la liste de cette commission d'étude. Composée de six hommes et de six femmes - deux religieuses et quatre laïques - et présidée par le numéro deux de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Mgr Luis Francisco Ladaria Ferrer, elle sera chargée d'examiner le rôle des femmes diacres, "surtout au regard des premiers temps de l'Eglise", précise le communiqué.
"La création de cette commission de manière si rapide est un très bon signe", s'est réjouie Michelina Tenace, membre de la nouvelle commission. Sans s'avancer sur la possibilité que les travaux débouchent sur une ouverture du diaconat aux femmes, cette Italienne qui enseigne l'anthropologie dogmatique a l'Université pontificale grégorienne, à Rome, souligne entre autres qu'il s'agira de "retrouver l'élan des premiers siècles et de l'adapter à notre époque en faisant tomber certains héritages sociologiques, culturels, accumulés au fil des siècles" : "Les intuitions d'égalité de l'homme et de la femme dans la diversité étaient prédominantes des l'anthropologie chrétienne des premiers siècles. On les a un peu perdues sous l'influence des sociétés dans lesquelles le christianisme s'inculturait."
Particulièrement sensible, le débat sur la place des femmes, et précisément sur le diaconat féminin, est récurrent dans l'Eglise. Il remonte au concile Vatican II qui, en restaurant le diaconat permanent pour les hommes, a relancé la réflexion théologique pour les femmes. Celle-ci s'appuie sur le fait que des femmesdiakonos sont mentionnées dans le Nouveau Testament et dans l'Eglise primitive. A l'époque où le baptême se pratiquait par immersion totale, seule des femmes pouvaient présider aux baptême de femmes.
L'éventualité d'une restauration des diaconesses bute sur la question de l'ordination - avec la possibilité de célébrer certains sacrements. La question est de savoir si les femmes diacres recevaient une ordination ou une bénédiction dans l'Eglise primitive reste débattue. Certains théologiens considèrent qu'il s'agissait bel et bien d'une entrée dans le sacrement de l'ordre, puisqu'il y avait, selon eux, bénédiction avec imposition des mains, comme pour les diacres masculins. Pour d'autres, il s'agissait plutôt d'une investiture. Après avoir étudié cette question historique, la Commission théologique internationale avait conclu en 2003 qu'il appartenait maintenant au Magistère de se prononcer avec autorité sur ce sujet".
Le pape François a plusieurs fois évoqué sa volonté de remédier à l'inégalité entre hommes et femmes dans l'exercice des responsabilités au sein de l'Eglise. Mais devant l'emballement médiatique qui avait suivi son annonce en mai, le Bureau de presse du Saint-Siège avait précisé qu'il n'avait pas pour autant "l'intention d'introduire une ordination diaconale sur les femmes".
Céline HOYEAU et Claire LESEGRETAIN / La Croix - mercredi 3 août 2016


A la lecture de cet article, je ne peux m’empêcher de vous partager cette méditation « Ma princesse deviendra princesse » que j’avais rédigé à la sortie d’une église annécienne le 17 juillet dernier.
Les travaux de cette commission nous donnera peut-être l’occasion de voir nos sœurs présider les assemblées !
N’est-il pas permis de rêver ?!




MA PRINCESSE ... DEVIENDRA PRINCESSE !


En ces jours-là, aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l’entrée de la tente.
C’était l’heure la plus chaude du jour.
Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui.
Dès qu’il les vit, il courut à leur rencontre depuis l’entrée de la tente et se prosterna jusqu’à terre.
Il dit : « Mon seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur.
Permettez que l’on vous apporte un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre.
Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! »
Ils répondirent : « Fais comme tu l’as dit. »
Abraham se hâta d’aller trouver Sara dans sa tente, et il dit : « Prends vite trois grandes mesures de fleur de farine, pétris la pâte et fais des galettes. »
Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer.
Il prit du fromage blanc, du lait, le veau que l’on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient.
Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? »
Il répondit : « Elle est à l’intérieur de la tente. »
Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi au temps fixé pour la naissance, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »

(Genèse 18,1-10)


En ce temps-là, Jésus entra dans un village.
Une femme nommée Marthe le reçut.
Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.
Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service.
Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. »
Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »

(Lc 10,38-42)



Ces textes offerts à notre méditation le dimanche 17 juillet dernier me laissent un sentiment d’inachevé voire un goût amer.
Il serait facile de dénoncer l’hypocrisie d’une prière intitulée « Place aux femmes » trouvée sur une feuille paroissiale. « Des femmes étaient tes disciples, Seigneur, Elles sont là, sur ta route, actives, consolantes ou consolées : la veuve de Naïm, en deuil de son fils, la pécheresse qui parfume tes pieds, la Samaritaine, assoiffée d’eau vive.
Et là, à Béthanie, Marthe et Marie …”

Je ne m’abaisserai pas à stigmatiser l’écart prégnant entre l’idéal prôné par ce texte et la réalité dans l’Eglise.
Il serait facile de dénoncer l’homélie, prononcée ce même dimanche, réduite à une leçon de morale sur « mon manque d’hospitalité » !
Je ne m’abaisserai pas à stigmatiser ces agressions gratuites dont sont friands certains prédicateurs se posant en juges et censeurs.
Il serait facile de m’adonner à la critique facile et gratuite.
Cependant, je ne m’abaisserai pas à me cantonner dans le silence qui donnerait raison à ceux qui imposent une parole unique et une seule interprétation de l’Ecriture.


L’Ecriture se nourrit de l’expérience de relecture que font les communautés. Elle appelle à la pluralité de lectures et d’interprétations. Ma seule prétention ici est de partager ma lecture, sans en exclure ou en refuser d’autres possibles.

Ces deux textes de l’Ecriture mettent en situation la femme dans sa relation à Dieu : Sara, femme d’Abraham et Marie, sœur de Marthe.
Dans l’épisode de la Genèse, seul Abraham est en relation avec les trois visiteurs divins ; Sara est tenue à l’écart de cette rencontre, à l’intérieur de la tente. Quelle contradiction avec l’invitation que le Seigneur avait lancée à Abraham quelques versets plus haut (Gn 17,15) : « Tu ne donneras plus à Saraï, ta femme, le nom de Saraï, mais son nom sera Sara » (Abraham lui-même avait quitté le nom d’Abram) ! En effet, une des traductions possible donnerait à Saraï le sens de « ma princesse » et à Sara celui de « princesse ».
Abraham a, apparemment, du mal à accepter la princesse libérée de toute pression conjugale, sexiste, patriarcale et sociale ! Il s’éloigne ainsi des pensées de Dieu qui ne fait pas acception des personnes. De trop nombreuses communautés chrétiennes, aujourd’hui encore, emboîtent le pas d’Abraham : elles sont indignes de se réclamer du nom de Dieu et trahissent sa parole.

Même si la péricope évangélique de Marthe et Marie peut être une invitation à remettre en question notre manière d’accueillir l’autre, elle mérite et appelle certainement d’autres lectures possibles.
L’évangéliste Luc, héritier de Paul, est le plus ouvert à un statut privilégié des femmes.
L’épisode de Marthe et Marie en est un exemple criant.
La revendication de Marthe est celle de ceux qui ne veulent pas que les femmes aient un statut de disciple (« assise aux pieds du maître »), mais qu’elles soient confinées dans la cuisine !

Pourquoi, 2000 ans après, la Bonne Nouvelle est-elle autant dénaturée ?
Qu’a-t-elle encore de bon et de neuf ?
Comment a-t-elle pu devenir lettre morte ?
Un appel certainement , pour nous, à prendre en compte certaines exigences dans notre relation à l’Ecriture.
En voici quelques-unes :

1. Respecter l’Ecriture
Dans les évangiles, quarante hommes et quarante femmes entourent Jésus.
Les « qualités » d’apôtre, d’après l’évangéliste Luc, sont reconnues dans l’entourage féminin de Jésus. Elles sont « avec lui » (qualité du disciple) ; elles « le servent » et sont qualifiés du même adjectif « diakonos » ; elles sont témoins de la Résurrection.
Dans l’antiquité chrétienne, celui ou celle qui accueillait dans sa maison présidait l’assemblée : les écrits pauliniens font mention de femmes qui ont accueilli l’assemblée dans leur maison et ont certainement présidé ces célébrations.
Dans son épître aux Romains (Ro16,1), Paul utilise un mot masculin « diakonos » pour définir le ministère au plein sens du terme de Phoebé. Nos traductions disent « diaconesse » ! Traduction est vraiment trahison !

2. Entrer dans une lecture symbolique tout en prenant en compte le contexte historique
. Les nombreux changements de nom qui s’opèrent dans la Bible nous révèlent combien le regard de Dieu change l’identité, la mission parfois et le statut de la personne : dommage que les pauvres humains que nous sommes soient si lents à acquérir ce regard !
. Lire l’épisode de Marthe et Marie comme un évènement historique, c’est faire fi de la manière dont les Evangiles ont été écrits : personne n’a pris des notes lors de cette éventuelle rencontre ; cette dernière est relue à la lumière de la mort et de la résurrection du Christ ; elle est le reflet d’une expérience communautaire, celle des communautés lucaniennes, avant d’être une réalité historique.
Comment aider nos frères et sœurs musulmans à sortir de l’impasse islamiste et fondamentaliste qui les oppresse si nous ne sommes pas capables, dans notre propre tradition, de différencier, sans forcément les opposer, vérité et historicité.
. Le choix des Douze par Jésus demande à être compris symboliquement (les douze apôtres comme successeurs des douze tribus d’Israël) et replacé dans un contexte patriarcal : un autre choix, à son époque, aurait été incompris et aurait risqué de discréditer son message.

3. Relativiser la « Tradition »
Trois arguments nous montrent que nos pratiques peuvent changer (notamment sur l’ordination des femmes) :
- Le Christ s’est plié aux mœurs de son temps, pour le choix des Douze notamment.
- Des prescriptions du Nouveau Testament sont désormais caduques (voile des femmes dans les assemblées, …)
- L’Eglise a la maîtrise des sacrements : ces derniers ayant été institués par l’Eglise, ils demeurent soumis aux changements que l’Eglise a déjà opéré, peut opérer et opèrera. Rien n'est gravé dans le marbre pour la question des sacrements; l'histoire de l'Eglise nous l'a déjà montré.
La tradition charrie de nombreuses choses avec elle. Est-ce qu’un fait massif (non-ordination des femmes) est un fait de tradition ? Pourquoi garder aujourd’hui cette volonté du Christ (qui demande à être comprise symboliquement et rattachée au contexte de l’époque) comme normative ? La durée n’est pas garante de la vérité !
C’est par son ordination qu’un homme est constitué dans le rôle du Christ-Tête et non pas parce qu’il est mâle !
La figure de l’Eglise, entité féminine, peut-être portée par des hommes comme par des femmes. Pourquoi la figure du Christ-Epoux, entité masculine, ne pourrait pas l’être aussi ?


« Tout le monde savait que c’était impossible.
Il est venu un imbécile qui ne le savait pas et qui l’a fait »
(Marcel Pagnol)

Que nous soit donné cette naïveté de croire que l’homme est capable de changer les institutions dans lesquelles il s’est parfois enfermé !




« Pour dire les choses simplement, il y a les textes sacrés, et il y a ce que les hommes en font. (…)
Les Ecritures sont des auberges espagnoles, on y vient avec ce qu’on a et l’on y trouve ce qu’on veut. En langage savant, cela s’appelle l’exégèse : Mais tous les fidèles font de l’exégèse comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. N’en déplaise aux fondamentalistes, eux-mêmes interprètent les textes, ne serait-ce que par les choix qu’ils y opèrent. »

( « Les religions meurtrières », Elie BARNAVI, pp.45-47, ed. Flammarion)

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Mise a jour le 27.06.2024