C’est à la lecture de la scène biblique de « l’Hospitalité d’Abraham » (Gn 18, 1-8) que cette « icône de la trinité » fut écrite par Andreï Roublev.
Dans ce texte de la Genèse, trois anges rendent visite à Abraham.
L’Eglise a voulu reconnaître dans ces trois personnages divins la préfiguration du mystère de la Trinité.
Ces anges sont inscrits dans le cercle de la perfection divine : les corps des deux anges extérieurs sont courbés de telle sorte que les trois rentrent dans un cercle dont le centre est le calice. L’Eucharistie est ici le centre du dialogue entre les trois personnes de la Trinité.
La difficulté à reconnaître l’identité des trois personnes (Père, Fils et Esprit), révèle que Andreï Roublev n’avait peut-être pas l’intention d’amener le fidèle à se tourner vers l’une ou l’autre des personnes de la Trinité. En s’appuyant sur une image biblique, l’artiste voulait conduire le croyant à la contemplation d’un Dieu en trois personnes. Cette figure géométrique du cercle nous invite à contempler la circulation d’amour entre les trois personnes de la Trinité : symbole de la communion et de l’unité.
Ce souffle d’amour semble imprégner l’icône dans sa totalité.
Tout le cosmos, toute la création se laissent transfigurer par ce souffle.
Tout le Cosmos ?
Non ! seuls le rocher et l’arbre (en haut à droite) épousent la même courbe que les anges ; seuls le rocher et l’arbre se laissent modeler, renouveler par ce souffle.
Le temple (en haut à gauche), lui, reste ferme, inébranlable et droit sur ses colonnes et sur ses positions.
Et s’il était l’image de l’Eglise ? Eglise imperméable au souffle-même de l’amour. Eglise incapable de se laisser transfigurer par le Souffle de l’Esprit. Eglise d’hier ... voire d’avant-hier incapable de se réformer.
Un exemple concret de cette inertie et de cet immobilisme : La réponse du Cardinal Barbarin à mon courrier du 19 mars dernier.
(En italique des extraits de son courrier ... en gras mes réponses …
Par souci de réciprocité, à mon tour, je choisis d’utiliser le vouvoiement dans ma réponse, ce qui n’enlève rien à notre fraternité sacerdotale).
Et comment pouvez-vous refuser de quitter la franc-maçonnerie, conformément à ce que l’Eglise ne cesse de demander depuis le Pape Clément XII, au 18è siècle, jusqu’à la « Déclaration sur l’incompatibilité entre l’appartenance à l’Eglise et la franc-maçonnerie » publiée le 26 novembre 1983 par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ?
« C’est un peu court jeune homme ! » aurait dit Cyrano de Bergerac (tirade des nez ...)
L’Eglise n’a-t-elle pas évolué depuis le 18ème siècle ?!
Parle-t-on de la même Franc-Maçonnerie hier et aujourd’hui ?
De nombreux clercs n’étaient-ils pas franc-maçons au XVIIIème siècle ?
Quant à la déclaration du 26 novembre 1983, rédigée par le Cardinal Ratzinger, elle est un abus de pouvoir et une atteinte à l’esprit d’ouverture du Concile Vatican II et de la re-fondation du Code de Droit Canon cette même année 1983 (j’y reviendrai dans ma prochaine publication).
« C’est un peu court » mon frère Philippe ! et je n’ose pas poursuivre avec Edmond Rostand « si vous aviez un peu de lettres et d’esprit » parce je sais que vous en avez. Mais, par contre, vous manquez cruellement d’objectivité historique.
Ma lecture de l’icône de la Trinité n’est-elle donc pas si impertinente ?! Une Église qui demeure figée sur ses positions, incapable d’ouverture ...
L’Eglise, dans la sagesse de son Magistère, interdit à un catholique d’être franc-maçon. Elle écrit elle-même, dans le dernier document cité : « Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la Sainte communion. » (…)
Souvent, j’ai discuté de ce point avec des chrétiens devenus francs-maçons, avec qui j’ai une bonne relation personnelle ou qui m’avaient invité à une rencontre. Je leur demandais pourquoi ils étaient rentrés dans la franc-maçonnerie, alors que dans la foi chrétienne ils affirment que Jésus est le Sauveur de tous les hommes. Qu’est-ce que cela peut leur apporter de plus sur le plan spirituel et humain ? Pourquoi ne portent-ils pas attention à la mise en garde que l’Eglise fait pour le bien de ses fidèles ? Mais je n’ai jamais obtenu de réponse claire.
Dans vos propos marqués par cette souffrance qui me touche beaucoup, m’apparaît aussi manquer la disposition intérieure d’ouverture nécessaire à tout dialogue. Voulez-vous vraiment dialoguer ? Vous ne cédez jamais sur votre revendication première, demeurer prêtre et franc-maçon. Or l’Eglise dit que c’est impossible. Comment avancer ? (…)
L’Eglise parle de péché grave pour la double appartenance. Tout dans vos propos montre que vous n’admettez pas cette mise en garde. C’est votre droit, votre liberté, mais cela me blesse beaucoup dans votre lettre.
Vous parlez de « mise en garde ».
Je suis prêt à entendre toutes les mises en garde ... mais quelles sont-elles ?
Faire référence au texte de Clément XII ou à celui du Cardinal Ratzinger ne me suffit pas pour comprendre l’incompatibilité de cette double appartenance ? Comment ne pas revendiquer cette double appartenance, quand aucun de mes interlocuteurs (Mgr Boivineau, Mgr Marcuzzo à Rome, ...) n’a été capable de me donner les raisons précises qui imposeraient un tel choix : Être prêtre ou être franc-maçon ???
Le texte promulgué par la Chancellerie du diocèse d’Annecy en mai 2013 prête à rire : écrit à la va-vite par « un scribe » peu enclin ni à la théologie ni à la maçonnerie, il n’apporte aucune réponse valable. Le père Boivineau, lui-même, le dénigrait !
Je vous propose de relever ce défi, mon cher frère Philippe, si vous l’acceptez : Présenter, d’une manière claire, les raisons objectives qui empêchent aujourd’hui un chrétien de participer au travail de réflexion mené dans une Loge. Vous pouvez vous faire aider par votre avocat, Me André Soulier, membre du GODF.
Vous évoquez mon « refus du dialogue. »
Combien de fois ai-je réclamé une table ronde publique ? En vain !
Autre défi pour vous, mon très cher frère Philippe : une table ronde publique. La balle est dans votre camp ...
J’ai toujours été ouvert au dialogue ...
J’ai proposé, en son temps, au Père Boivineau de m’envoyer en études pour travailler cette question de double appartenance, aidé par les apports de théologiens, de canonistes, d’historiens, ... J’étais prêt, pour se faire, à cesser toute activité en Loge. Sa seule réponse : « Que dire aux paroissiens ? » Je renchéris : « - Annoncer que mon appartenance maçonnique m’invite à prendre un temps de recul et d’études pour réfléchir à cette double appartenance »
« - Impossible ! Que vont dire les paroissiens ? Je ne veux pas de vague » vint clore la discussion.
Quand on veut éviter les vagues ... on se prend un tsunami. Vous en savez quelque chose mon frère Philippe.
Comment dialoguer lorsque mes interlocuteurs - comme le Père Boivineau - évoquent une Franc-Maçonnerie qui n’est-pas celle que je connais, qui n’est pas celle que je fréquente ? Le dialogue n’est-il pas faussé d’avance ? De nombreux chrétiens et clercs ne connaissent en rien la Franc-maçonnerie, sinon les discussions de bistrot et les fantasmes que peut, malheureusement, faire naître cette institution. La Franc-Maçonnerie ne se résume pas à ces caricatures.
De nombreux franc-maçons ne connaissent en rien l’expérience chrétienne, sinon leurs souvenirs d’enfance et leur scolarisation forcée dans des institutions religieuses. L’Expérience chrétienne ne se résume pas à ces diverses expériences.
Là encore, « c’est un peu court jeune homme ! »
Evidemment, « si vous revenez de tout votre cœur », vous serez accueilli comme un fils toujours aimé de l’Eglise.
Soyez aussi assuré de ma prière fraternelle et de ma disponibilité pour vous. J’espère que vous saurez vous laisser éclairer par l’Esprit Saint qui parle dans l’Eglise, même si tous ses enseignements ne sont pas faciles à vivre. Le Seigneur ne nous a jamais dit que le suivre serait aisé. Au contraire, Il nous a toujours assuré que nous ne manquerions jamais de force pour parcourir le chemin à sa suite, pourvu que nous souhaitions rester fidèles à Dieu et à l’Eglise, puisque, comme disait sainte Jeanne d’Arc : "M’est avis que Dieu et l’Eglise, c’est tout un".
Au risque de me répéter, mais tellement adapté à la situation, je ne peux que m’esclaffer : « C’est un peu court monsieur le Cardinal ! ».
Jeanne d’Arc comme référence théologique pour asseoir l’autorité de l’Eglise !
Quelle ecclésiologie largement anté-conciliaire !
Le Concile Vatican II ne s’était-il pas gardé d’identifier purement et simplement Dieu et l’Eglise ?
Même si j’accepte la pluralité des interprétations théologiques, j’ai vraiment du mal, après Vatican II, à partager une telle vision ecclésiologique.
Le débat reste ouvert … la balle est, encore une fois, dans votre camp, mon frère Philippe.
Mise a jour le 27.06.2024