- Burkini oui ... ni non !




1. UN BOUT DE TISSU QUI CACHE LA RÉALITÉ

Dans une interview à l'hebdomadaire "Le 1", l'ancien ministre de l'Économie a estimé qu’interdire le burkini était "justifié à certains endroits" :
« Il était justifié à certains endroits, pour des raisons d'ordre public, d'interdire le burkini. Il est indispensable de mener une bataille politique, idéologique, pour dire que ce vêtement est contraire à l'idée que nous nous faisons de la civilité et de l'égalité entre homme et femme. »

Malgré cela, le fondateur de En Marche ! poursuit :
« Il est en même temps indispensable de défendre la liberté individuelle si certains veulent s'habiller d'une certaine façon. C'est une formidable défaite de voir des policiers arriver sur une plage et demander à une femme, au nom de la laïcité, de ne plus porter un burkini. »
Monsieur Macron n'a pas peur de dire tout et son contraire …
Et combien d'hommes et de femmes politiques se situent dans cette même contradiction.
Signe de leur incohérence, de leur incompétence et de la dynamique électoraliste qui les animent.
Nous sommes vraiment en face d’un « burkini oui ni non » !

Trois constats s'imposent :

- Premièrement, la notion de laïcité est encore trop souvent sujette à débat.
L’article 1er de la loi de 1905 (« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ») est sans cesse bafoué : cette loi respectueuse et garante des libertés individuelles s’est transformée au fil du temps en loi répressive qui enlève des droits plus qu’elle n’en garantit.

- Deuxièmement, l’écart entre obsession sécuritaire et xénophobie est de plus en plus minime ; cette frontière est même allègrement franchie sans que personne ne s’en émeuve. Elle demeure bien la seule que nous n’ayons pas peur de franchir alors que nous sommes capables de dresser murs et barbelés !

- Troisièmement, ce bout de tissu couvre, sinon la nudité, la réalité.
En effet, cette question devient la question primordiale des prochaines échéances électorales, faisant oublier aux politiques de se positionner devant les problèmes quotidiens des Français : le chômage qui n’arrive pas à diminuer ; la sécurité des français qui n’est pas assurée par manque de moyens de nos forces de l’ordre (quand ce ne sont pas ces dernières qui ne peuvent pas assurer leur propre sécurité dans certains quartiers !) ; la destinée des millions de travailleurs abandonnée au monde de la finance ; position peu claire de nos gouvernants sur les différents traités en négociation (TAFTA, CETA, …) ; le déni de démocratie lorsque des diktats économiques ou écologiques nous sont imposés par des administrations, des institutions ou des commissions n’ayant aucun mandant électoral ou ne pouvant se réclamer d’une légitimité confiée par les suffrages des citoyens ; la soumission servile aux dictatures de ce monde (Turquie, Russie, Arabie Saoudite, …)
Qui connaît le programme économique ou de politique étrangère des éventuels candidats à la présidentielle ?
Cette élection nous est confisquée par la people-isation à outrance des politiques : nos futurs élus se couchant publiquement sur le divan d’une animatrice se nourrissant de voyeurisme et nous leurrant de fausse transparence.
Les questions existentielles auxquelles doit répondre cette élection majeure sont noyées par le vrai-faux débat sur le burkini.
Fallait-il légiférer ou pas sur le burkini, donner autant d’importance à cette question ?
Certainement pas !





2. UN INCONSCIENT RACISTE QUI N’OSE PAS DIRE SON NOM

Au nom de la « même » laïcité, certains défendent le port du burkini, d’autres le dénoncent.
Il ne s’agit justement pas de la même laïcité !
Cette dernière est instrumentalisée par ceux-là même qui font rimer laïcité avec anti-religieux. Ils s’en réclament pour refuser toute liberté religieuse et la prostituent lorsqu’ils refusent de remettre en cause les jours fériés liés aux fêtes chrétiennes. Ils en appellent à la laïcité pour refuser aux chrétiens d’entrer dans le débat public -comme n’importe quelle école de pensée- et la piétinent allègrement lorsqu’on refuse de voir apparaître, au nom de « notre » culture judéo-chrétienne, des minarets dans le paysage français.
Je pourrais évoquer aussi les « ardents défenseurs des droits des femmes » qui, d’une part, dénoncent leur liberté brimée par des tenues vestimentaires, et d’autre part, se rendent complices de propos sexistes, outrageants et insultants sur les femmes, cautionnent le manque d’inégalité hommes/femmes dans le monde du travail et des responsabilités et ne condamnent jamais l’utilisation du corps de ces dernières et son aliénation dans les publicités, les médias …
Force est de constater qu’une fois de plus, l’arbre de notre indignation cache la forêt de nos réflexes racistes.

S'impose alors ici la nécessité de changer notre regard
- Un regard honnête sur l’Histoire et notre passé récent.
En juillet 1946, le Français Louis Réard présente, à Paris le premier «bikini».
Aussitôt, les gouvernements italien, espagnol et belge interdisent la vente des bikinis.
En France, il est autorisé sur les plages de la Méditerranée, mais prohibé sur celles de l’Atlantique !!!
Ceux qui s’habillent autrement en affichant leur identité dérangent, dégoutent voire agressent.
Une notion relative aux époques et aux cultures.
- Un regard neuf sur la notion de culture.
Notre perception des autres, des choses, du monde est conditionnée par différents facteurs, dont notre propre culture. Lévy-Strauss, défendant cette idée, évoque le réflexe ethnocentrique de chacun qui consiste à prendre sa culture comme référentiel, et à partir de là critiquer les autres cultures. Il affirme que les cultures sont toutes aussi respectables les unes que les autres et dénonce l'idée d'une hiérarchie entre elles. "Le barbare, c'est d’abord l'homme qui croit en la barbarie".
- Un regard ajusté face à la provocation.
Si le port du burkini peut être perçu comme une volonté de provocation chez certaines musulmanes, la réponse qu'on veut nous imposer n'est pas adaptée. Face à la provocation et au radicalisme, la provocation et le radicalisme n’ont jamais été, ne sont et ne seront jamais une réponse. La surenchère est l'arme des faibles ...
Faire de cette question, le centre de tous les débats et la seule préoccupation des Français donnent crédit aux éventuels provocateurs et honorent leur combat. Un bout de tissu, si petit soit-il, ne doit pas déchirer la toile de l’unité nationale. "Le censeur ne crie-t-il pas ce qu'il proscrit ?" (Camus, La chute).





3. UNE INVITATION À NOS FRÈRES ET SŒURS MUSULMANS : UNE EXIGENCE COMMUNE

Il est toujours malaisé de se situer en donneur de leçon .. surtout lorsque sa propre tradition, catholique en l’occurrence, maintient encore trop souvent ses fidèles dans l’infantilisme.

J’en veux pour exemple le synode sur la famille en octobre 2015. Ce dernier nourrissait de réels espoirs pour les nombreux croyants divorcés-remariés. En vain !
Une fois encore les croyants sont infantilisés et maintenus dans ce rapport « c’est interdit ! », « c’est obligatoire ! », « peut-être que …! »
Quand l’Eglise fera-t-elle appel à la conscience, à la responsabilité de ses fidèles ?
Quand l’Eglise acceptera-t-elle une pluralité d’interprétation des textes de l’Ecriture, du Magistère ?
Quand l’Eglise redeviendra-t-elle fidèle à l’Evangile ?


J’ose cependant interpeler nos frères et sœurs musulmans et particulièrement ceux qui ont la responsabilité d’une communauté de croyants.
Ce que je demande à mon Eglise, je le demande aux communautés se réclamant de l’Islam ; ce que je demande aux pasteurs de mon Eglise, je le demande aux imams et responsables de communautés musulmanes.

Que les imams osent clamer haut et fort :
- Il existe une diversité des interprétations de l'Islam. Une lecture historico-critique du Coran est indispensable face aux fondamentalistes et nécessaire pour faire entrer l'Islam dans le XXIème siècle.
- Porter le burkini doit rester une décision libre. Que certaines musulmanes le portent ne doit pas suggérer aux autres femmes musulmanes qu'elles doivent le porter. Il n'existe pas dans l'Islam de modèle commun auquel il faudrait se soumettre.
- Il n'y a pas de communauté musulmane en France, il n’y a pas de communauté chrétienne en France, … Il n'y a que des citoyens ! Certains d'entre eux partagent la foi musulmane, d’autres la foi chrétienne, d’autres n’en partagent aucune, d’autres …
Il n'y a pas de communauté musulmane en France, il n’y a pas de communauté chrétienne en France, …il existe de nombreuses communautés musulmanes, de nombreuses communautés chrétiennes, … communautés de proximité (géographique, ethnique, ...), de prière, de réflexion, ...
Un discours politisé, faisant de l'Islam une communauté à part, est source de conflit. Plus une religion est politisée, plus elle nourrit la conflictualité.



Mes frères imams, peut-être encore trop timides, c'est ici que vous êtes attendus :
- Vos fidèles attendent vos paroles. Pourvu qu'elles soient plurielles ! Vos frères et sœurs musulmans ont droit au pluralisme.
- Le débat sur le burkini doit avoir lieu parmi vous.
- Vous avez pour mission d'accompagner vos communautés à découvrir une pluralité d'interprétation du message que porte fièrement votre tradition.

Nous sommes à vos côtés dans cette triple exigence qui nous est commune :
- Exigence de LIBERTE : Libérer tous les Hommes de l'obscurantisme.
- Exigence d’EGALITE : Faire appel à la conscience et à la responsabilisation de chacun, c’est ne laisser à personne le droit de decider pour les autres. Le droit de choisir doit être garantit pour tous.
- Exigence de FRATERNITE : Permettre de goûter, dès ce monde-ci, la Paix promise par le Créateur.

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Mise a jour le 27.06.2024